alain desjacques

Quelques remarques sur le barde mongol et son instrument de musique

Actes de la Conférence commémorative du 30e anniversaire de l’Institut  de Recherche pour les Arts et la Culture de Mongolie, Oulan Bator, septembre 2005, p. 58-68.

 

Extrait :

Quelques remarques sur le barde mongol

et son instrument de musique[1]

 

 

Actes du Colloque du 30eanniversaire

de la création de l’Université

des Arts et de la Culture

d’Oulan Bator, septembre 2005.

 

L’espace linguistique et culturel mongol, formé par plusieurs entités géopolitiques, présente un cadre unique où se chante encore l'épopée en Asie Centrale, dont la tradition remonte probablement à la haute antiquité. Or, si les chanteurs d'épopées, ou bardes, sont devenus rares aujourd'hui, ce n'est probablement pas à cause du fléau de la télévision qui a envahi nos sociétés, mais n'est pas encore parvenu à s'installer dans les yourtes au fond des steppes mongoles. C'est probablement plutôt par effet d'une idéologie qui voyait dans les épopées, le produit d'une culture aristocratique
guerrière, des vestiges culturels de la société féodale précédente. Le barde, détenteur de cette culture, pouvait se montrer un personnage potentiellement subversif et, durant la période révolutionnaire, nombreux furent contraints de ne plus chanter[2]. Malheureusement les bardes, devenus pour la plupart très âgés, se font de plus en plus rares aujourd'hui et BAWDEN, dans un article paru en 1980, concluait à la disparition prochaine des exécutions d'épopées,"a dying art", selon son expression[3]. D'autre part, il existe peu de publication discographique du genre épique et pas un seul sur une épopée entière.

 Les traces de témoignages de voyageurs sur ces exécutions d'épopées en public sont rares. Le plus connu est probablement celui du Révérend Père R.E. HUC[4], fait en 1844 dans une yourte mongole. La scène qu'il décrit, dégage une ambiance à la fois surprenante et chaleureuse, révélatrice d'une sorte de symbiose entre le chanteur et son auditoire:

 

"-Nobles et saints voyageurs, nous dit le chef de famille, j'ai invité un Toolholos pour embellir cette soirée de quelques récits."Pendant que le vieillard nous adressait ces mots, le chanteur préludait déjà enpromenant ses doigts sur les cordes de son instrument. Bientôt il se mit à chanter d'une voix forte et accentuée; quelquefois il s'arrêtait, et entremêlait son chant de récits animés et pleins de feu. On voyait toutes ces figures tartares se pencher vers le chanteur, et accompagner des mouvements de leur physionomie le sens des paroles. Le Toolholos chantait des sujets nationaux et dramatiques, qui excitaient vivement l'intérêt de ceux qui l'écoutaient.



[1] Cet article reprend, pour l’essentiel, une partie du chapitre 2 de la thèse de l’auteur, « Chants de
l’Altaï Mongol », soutenue en 1993.

[2] Cf. les exemples biographiques des bardes Papa TUSEMILOV et Bura BARNAKOV, plus loin.

[3] BAWDEN (1980, 297).

[4] De la congrégation de Saint LAZARE.



08/10/2010
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